Recruter les futurs salariés au berceau…
- On 27 février 2023
- attractivité, Emploi, Jeunesse, Politique, prospective
Dans le cadre de ce second billet d’humeur, nous vous proposons de continuer à creuser le sillon des impensés des stratégies de développement économiques et d’attractivité, aujourd’hui la place des jeunes des territoires ruraux et périurbains. Sujet d’autant plus d’actualité en cette période de dépôt des choix d’orientations sur la plateforme Parcoursup…
Renforcer l’attractivité du territoire auprès des actifs :
Conscientes des difficultés de recrutement auprès des profils de cadres et de professions intermédiaires rencontrées par son tissu économique, certaines collectivités territoriales se sont engagées au cours de ces dernières années dans la mise en œuvre de politiques ciblées afin de renforcer l’attractivité du territoire auprès des CSP+. Afin d’encourager leur installation, les communes et intercommunalités se sont attachées à améliorer leur cadre de vie :
- En s’attachant à élargir l’offre de services à la population en développant l’offre culturelle, éducative et sanitaire de bon niveau,
- En proposant un cadre de vie urbain tout en conservant un cadre naturel remarquable,
- En diversifiant leur parc de logement,
- En renouvelant l’image du territoire.
L’ensemble de ces politiques d’attractivité résidentielle auprès des cadres partent du postulat que pour soutenir le développement des territoires ruraux et périurbains, il est nécessaire d’attirer des actifs, généralement urbains, venant de l’extérieur. Un écueil doit néanmoins être mis en évidence, les résultats de ces politiques d’attractivité sont en effet relativement incertains compte tenu de la faiblesse des migrations résidentielles observées au niveau national (64% des migrations résidentielles sont intra-départementales).
Au regard de la faible mobilité résidentielle des Français et dans un contexte de « plein emploi », il apparait nécessaire de porter un regard sur « ceux qui restent », en référence aux travaux de Benoit Coquard, et plus particulièrement sur la jeunesse qui constitue l’avenir de nos territoires. Axe qui, comme le souligne un récent numéro de la Gazette des Communes, demeure encore trop souvent négligé par les intercommunalités. Renforcer l’attractivité des territoires ruraux, c’est aussi être en mesure de créer de l’espoir et de favoriser l’épanouissement de sa jeunesse.
Donner des perspectives à ceux qui restent :
Avant d’envisager les projets pour permettre aux jeunes de rester vivre et travailler au pays, il apparait nécessaire de reposer le cadre du débat en s’intéressant au parcours de vie des jeunes des territoires ruraux et périurbains.
Contrairement à l’idée reçue selon laquelle la jeunesse quitte les territoires ruraux et périurbains pour poursuivre des études dans l’enseignement supérieur, les données de recensement de la population soulignent que près d’un jeune âgé de 18 à 25 ans sur trois (30%) réside dans une commune rurale ou périurbaine, soit plus d’un million d’habitants. Le parcours de vie, entre attachement au territoire et renoncement, les conduit généralement à s’orienter de manière privilégiée vers des formations professionnalisantes courtes. Parmi les obstacles soulevés par la littérature pour expliquer cette faible orientation vers les études supérieures, une autocensure des jeunes ruraux du fait de :
- Un déficit de confiance en soi et en l’avenir particulièrement fort (13% points d’écart entre les jeunes ruraux et urbains). Beaucoup des jeunes ruraux considèrent que les études longues et l’enseignement supérieur ne sont pas faits pour eux, privilégiant à ce titre des parcours de formation par étapes (un lycée technique, puis au plus un BTS et une licence professionnelle…) contrairement aux jeunes urbains qui s’orienteront plus facilement vers un cycle universitaire ou une classe préparatoire.
- Une absence de rôle modèle qui permettrait aux jeunes de se projeter dans des emplois de cadres et des professions intermédiaires (chefs d’entreprises, cadres supérieurs… incarnant des parcours de réussite).
Ce contexte sociologique et le parcours de vie des jeunes ruraux, nous invitent dans le cadre des politiques de développement économique et d’attractivité à intégrer ces enjeux de réussite éducative et à développer des politiques locales fortes en faveur des 15 – 25 ans. Cela pourra notamment se traduire par :
- Le développement de parcours de réussite éducative individualisés et le développement de communauté de projet autour des jeunes (regroupant Education nationale, activités extrascolaires, associations, tissus économiques…). Exemple : création d’espace de projet à l’image des campus ruraux des projets où les jeunes peuvent s’informer et acquérir des compétences nouvelles (BAFA, permis de conduire…).
- L’émergence de modèles inspirants de réussite sociale et professionnelle issus du territoire,
- La valorisation de l’engagement citoyen et associatif des jeunes et un meilleur accès à la culture en mobilisant des acteurs de l’éducation populaire (MJC, Centres socioculturels, dispositif Micro-folie…).
Faire des territoires ruraux, un espace favorable aux débuts de carrière :
De manière complémentaire aux actions favorisant l’épanouissement et l’insertion professionnelle des jeunes qui font le choix de rester vivre sur les territoires ruraux, il convient également de porter un regard sur ceux qui sont partis du territoire dans le cadre de leur parcours de formation et de vie afin d’anticiper et d’accompagner leur retour.
En effet, au regard des difficultés subies ou anticipées à intégrer le marché au travail qualifié des métropoles ou du fait d’un attachement fort au pays, une part non négligeable des jeunes revient vivre sur le territoire de son enfance ou plus largement sur le département de sa naissance (40%). Ce retour aux sources, souvent perçu comme un échec, nous invite collectivement à faire des territoires ruraux un espace favorable aux débuts de carrière : il s’agira notamment de déconstruire les idées reçues sur la faible diversité des emplois disponibles, et l’idée selon laquelle les territoires ruraux ne sont pas en capacité d’offrir des opportunités professionnelles à la jeunesse fraichement diplômée ou de développer des réseaux locaux facilitant les parcours de recherche d’emploi. De manière concomitante, il apparait nécessaire de travailler sur le développement d’une offre de logement adaptée à ce public (locatif) et de lever les freins liés à la mobilité.
Pour aller plus loin, nous vous invitons à consulter :
- Le rapport de Mission près du Ministre de l’Education nationale « Orientation et égalité des chances dans la France des zones rurales et des petites villes », par Salomé Berlioux, présidente de l’association Chemins d’avenirs – 05 mars 2020
- Les travaux de Fanny Jedlick et Elie Guéraut sur l’(im)mobilité d’étudiants ruraux.
- Entre ville et campagne, les parcours des enfants qui grandissent en zone rurale – INSEE Première n°1888.
- Incertitude, instabilité et exploitation : le rapport à l’emploi des jeunes ruraux non diplômés – Clément Reversé
- « Ceux qui restent » de Benoit Coquard.